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Le jour où j’ai renoué avec mon psy

Je savais qu’il me plaisait. Jusqu’à ce matin, je n’aurais pas pu définir précisément les raisons de mon… comment peut-on qualifier ça sans tomber dans le déontologiquement incorrect ? Mon attachement ? Mon admiration ? Mon feeling ? Enfin, bref, vous avez compris l’idée.

Donc, ce matin, j’ai renoué avec mon psy. Non pas que j’eus mis un terme définitif à l’époque à notre… relation ? Collaboration ? Nos échanges ? Rhaaa… c’est difficile de parler de ce qui nous « lie » à un psy sans tomber dans les clichés de transfert, je trouve.

Donc, je disais, ce matin, j’ai renoué avec mon psy, que je n’avais pas vu (eu au téléphone, présentement) depuis 13 ans, et s’il le fallait, il m’a rappelé assez rapidement les raisons pour lesquelles j’avais frappé à sa porte, et surtout, qui ont fait que j’étais restée pour des séances ultérieures.

Il a de la bouteille, il est cash, vous écoute sans en avoir l’air et vous dit les plus belles paroles que vous mourez d’envie d’entendre sans même le savoir. Lorsque j’ai raccroché (confinement oblige, il consulte par téléphone jusqu’à mai prochain a minima), j’avais les yeux rouges, le nez qui coule et le visage chiffonné, mais aussi le cœur plus léger et une posture plus droite.

J’ai voulu annulé la séance jusqu’au dernier moment avec, au choix, une excuse d’aphonie ou d’enfant malade. Jusqu’au tout dernier moment. Mais j’ai tenu bon. J’ai lutté contre moi-même, contre cette envie de faire comme si tout allait bien et de passer à autre chose. Lorsqu’il a appelé ce matin, j’ai décroché, même si je n’avais aucune idée de par où j’allais commencer.

Il n’avait pas eu le temps de repasser à son cabinet, et croyait que l’on s’était vu pour la dernière fois il y a 5 ans. Quand je lui ai rappelé que ça faisait 13 ans et qu’il s’était passé une tonne (j’ai bien dit une tonne) de choses depuis, il m’a demandé par avance de lui pardonner certains oublis et de devoir reprendre certains points.

Je ne me souviens plus par quoi j’ai démarré, mais je me rappelle très bien de la sensation en fin de séance, près d’1h15 plus tard : un bordel sans nom. C’est d’ailleurs comme ça qu’il a décrit la masse de ce que je lui ai confiée, et j’ai aimé qu’il la qualifie ainsi. Ca donne plus de matière à mon propre ressenti sur le sujet.

Lorsqu’il m’a demandé ce qui m’inquiétait, aujourd’hui, ce qui me semblait poser problème dans ma vie, j’ai eu du mal à lui répondre. La première idée, que j’ai verbalisée, a été ma santé. Ensuite, la relation de mes enfants avec leur père, dont je suis séparée depuis… 13 ans (oui, ceci explique littéralement cela). Pour finir, une notion flottait dans mon esprit, sans que j’arrive à mettre de mots dessus. J’ai décidé d’appeler ça « la peur de l’abandon », en parlant de mes enfants qui grandissent, mais aussi des casseroles que je traîne avec mon mari, et bien sûr de ce sentiment d’insécurité qui ne me lâche pas d’une semelle.

D’ailleurs, j’ai vécu une drôle de semaine, de mercredi dernier à lundi, environ. Une semaine durant laquelle je n’arrivais pas à me sentir solide, stable. Ce profond sentiment d’insécurité, qui m’a fait me sentir fatiguée H24 et emplie d’une gigantesque lassitude, m’amenant à céder aux sirènes des compulsions sans pour autant cesser d’analyser ces moments de craquages. Car ce gain-là, je ne compte pas l’ignorer de sitôt.

Je me suis donc observée, encore une fois, et j’ai pu comprendre que je pouvais tenter de me raisonner aussi longtemps et aussi fort que je le voulais, rien ne résisterait à cette petite voix qui réclamait son dû. Une petite voix très forte, qui venait de très loin, installée profondément au creux de mon cerveau (et de mon estomac, elle est très forte), comme pour crier son besoin de nourriture réconfort. Des aliments qui me font du bien, exclusivement, qui dorlotent mes papilles et qui peuvent prendre la forme d’une simple tomate à la croque au sel avec un filet d’huile d’olive italienne fourrée dans un morceau de pain, comme d’une part de gâteau au chocolat avec du caramel au beurre salée dessus.

Et des journées comme aujourd’hui, où je parviens à respecter mes points et à ne manger que parce que « j’ai faim », ça me semble fou de ne pas réussir à le faire tous les jours. Insensé, même. Alors je le lui ai dit. Je lui ai expliqué que je m’étais sentie comme une alcoolique avec son verre de vin ou sa bouteille de bière, comme une droguée avec son shoot, il me fallait un aliment réconfortant, parce que sinon, j’aurais subi cette torture mentale jusqu’à devenir folle. Ce harcèlement que je ne contrôle pas et qui joue avec mes nerfs, ne s’arrêtant que lorsque je me soumets, que lorsque je subis.

Car on a aussi fait ce parallèle, après avoir brossé les grandes lignes de ma vie et de mes relations familiales et conjugales. Une ambivalence dont j’ai pris conscience grâce à l’éclairage de mon psy et que je suis heureuse d’avoir identifié aujourd’hui, même s’il augure d’un travail titanesque à faire sur moi. Je suis dans le contrôle constant, je gère et porte une charge mentale en parallèle d’une passivité qui m’a été imposée depuis ma naissance, celle de subir et de me soumettre au bon vouloir de celui qui est censé prendre soin de moi (mes parents) ou à tout le moins dont je ne dois pas prendre les travers à mon compte (personnes mises en contact avec moi lorsque j’étais enfant, partenaires de vie, amis…)

Cette relation à la nourriture s’inscrit totalement dans cette dualité excessivement difficile à démêler et à surmonter.

De cet entretien, je retiens que :

  • Ma vie est un foutoir monstre depuis ma naissance
  • Ma mère est timbrée
  • Il n’y a aucune nécessité de reprendre le contact avec elle si je n’en ai pas l’élan, même si c’est pour obtenir un éclairage sur l’épisode hypothétique d’abus dont je me souviens
  • Cet épisode est (peut-être) un épiphénomène
  • Le père des enfants fait ses propres choix, sur lesquels aucune de mes pensées n’a de prise
  • J’ai fait le maximum pour maintenir un lien qu’ils ne souhaitent ni les uns ni l’autre poursuivre pour le moment, j’ai fait ce qu’il fallait faire, je décide de passer à autre chose
  • Je dois considérer le père des enfants comme un effet météorologique sur lequel je n’ai aucun pouvoir
  • Le fait qu’il y ait conflit ne veut pas dire qu’il n’y a plus d’attachement
  • Les émotions des autres ne m’appartiennent pas
  • Mes pensées conscientes n’influent pas sur mon état de santé
  • Ma ménopause précoce résulte très certainement des épreuves par lesquelles je suis passées

La suite au prochain épisode…

9 – 4°) Sur une balance, est-ce que je serais gagnante en maigrissant, ou non ? (Février 2021)

La voilà enfin, la question qui fâche. La question qui pose question.

Lorsque je me la suis reposée, la réponse était assez claire : difficile de répondre.

La plupart des personnes engagées dans un parcours d’amincissement lèveront les yeux au ciel ou ne comprendront pas, mais jusqu’à il y a peu, la réponse était en effet compliquée à faire émerger.

Dans le fond, tout au fond de moi, il existe une notion d’identité à perdre et d’inconnu à accueillir. Les deux choses qui me terrifient aujourd’hui.

Si j’ai réussi à mettre en lumière que j’aimais par-dessus tout « créer », je suis également une vraie trouillarde face aux changements. « On sait ce qu’on perd, pas ce qu’on gagne » m’a longtemps accompagnée dans mes parcours.

Quand on a peur des changements, donc, que l’on est en insécurité permanente, sans cesse sur le qui vive, des aléas de la vie, des trahisons et revirements de proches, de l’Univers qui place sur notre chemin ses épreuves censés nous rendre plus forts… comment faire ?

Evidemment, d’un point de vue mathématique, logique, je serai gagnante. Mais à quel prix ?

Grâce aux échanges sur Connect, le forum intégré à l’application Weight Watchers, j’ai réussi à travailler dessus après avoir posté des vidéos reprenant les éléments de réponse aux trois premières questions.

Je suis prête.

Je suis prête parce qu’à ma juste place, là, maintenant. C’est le moment.

Je sais que je devrai lutter contre moi-même, ardemment, puissamment, pour ne pas abandonner, pour chasser mes vieux démons et leur montrer que je ne suis plus celle qui se laisse dévorer par leurs crocs aiguisés, pour garder la tête haute et hors de l’eau, pour continuer à voir le bon en moi, et pas ce que mes yeux verraient comme mauvais, pour y croire, encore, coûte que coûte, et quels que soient les freins que je rencontrerai.

Lutter pour parler avec ma petite fille intérieure, à différents âges, afin de l’apaiser, de lui montrer que tout va bien, que tout va aller, que ça ira, promis. Pour parler à l’enfant délaissée, humiliée, livrée toute nue à la vie, sans outil, ni bagage. Pour parler à la jeune femme qui s’est trompée, qui a renoncé ou bifurqué, uniquement par peur, par terreur, même. Pour parler à l’amante qui vivait sa sexualité comme une arme, un pouvoir, un exutoire, une manière de posséder l’autre, afin qu’on ne la possède pas en retour. Pour parler à la mère, qui va devoir affronter à nouveau l’abandon, en dépit de tous ses efforts pour garder sa nichée intacte, et vivre dans le silence de son cœur et de sa maison. Pour parler à l’être humain qui peine à trouver un sens à ses choix passés ou une direction dans laquelle aller aujourd’hui.

Mais je suis prête.

8 – 4°) Sur une balance, est-ce que je serais gagnante en maigrissant, ou non ? (Janvier 2013)

Oui. Sans aucun doute, oui.

Mais j’ai peur.

Et très sincèrement, je ne pensais pas avoir tant peur.

Là, en fermant les yeux, je me visualise sur une balance : côté droit, obèse, comme je suis aujourd’hui…  côté gauche, mince, enfin, sportive plutôt que mince.

A droite, je suis triste, craintive et j’ai mal. J’ai juste envie de me prendre dans mes bras et de me rassurer, de me dire que tout va bien se passer et que je ne vais pas me laisser là, choir au bord de la route. Que ça va être difficile, long et tortueux, mais que je peux me faire du bien, me donner un peu d’amour et… de sérénité. A droite, je me vois exténuée, en bout de course. Je sens que j’ai besoin de souffler, de tout. Mon histoire m’a chargée, je me suis laissée charger comme une mule, parce que… (je réfléchis)… parce qu’au moins, ça, je sais faire. Je suis assise, mes bouées autour de moi, les bras entourant ma graisse, presque inaccessible, comme sur une photo de moi que j’ai dénichée et qui date de novembre dernier.

Prendre sur moi, être là pour ceux qui en ont besoin, m’oublier, parce que c’est plus facile que de faire face à ses démons, à ses peurs, à ses propres problèmes. Je me suis jetée à corps perdu dans des missions qui n’étaient pas les miennes, juste pour que ça fasse moins mal. Ou que ça fasse mal ailleurs. J’ai l’impression d’avoir gâché mes plus belles années, en portant des oeillères et en m’obstinant dans une voie où je ne prenais que des risques considérés. Ce foutu syndrome de l’imposteur par-dessus, et voilà une A. qui ne se donne les moyens de rien, finalement.

Oh, bien sûr, elle a mené sa barque de main de maître, prouvant à tout le monde qu’elle faisait exactement ce qu’elle avait envie de faire. Sauf que pas du tout. Et que sans fausse modestie, avec les capacités qu’elle avait, elle aurait pu faire bien mieux. Je ne parle pas de réussite professionnelle, ou pas que. Je parle de mettre à profit une histoire qui démarre pas facile et de la rendre plus jolie, plutôt que de s’empêtrer dedans.

Vous me direz, tout le monde fait pareil. Oui, tout le monde fait pareil, enfin, le plus souvent. Seulement aujourd’hui, quand je me retourne, j’ai mal. J’en peux plus de crever de jalousie à l’idée que ces années sont parties pour moi, qu’elles ne reviendront plus, et qu’aujourd’hui, c’est trop tard. Trop tard pour choisir ma vraie voie, trop tard pour faire mes choix de manière apaisée et personnelle, plutôt qu’en fonction des autres et de ce que je mets dans ma balance à moitié cassée.

Je ne suis pas venue au monde dans des circonstances idéales (j’en parlerai plus tard). Mais j’aurais pu, j’aurais du faire mieux. En me posant les bonnes questions à l’époque, je ne me serais jamais fait autant de mal. J’aurais pu apprendre à m’écouter, à m’aimer et à avoir de la compassion pour moi. Mais non, j’ai juste laissé ma colère, mes peurs et ma fierté guider mes choix. Aujourd’hui, la machine est sans carburant. Je n’ai plus de substance pour me plaindre, pour faire que ça aille mieux un jour, parce qu’aujourd’hui, dans ma vie, tout pourrait aller à merveille. Si seulement je le voulais.

A droite, je me vois épuisée mais sans volonté. Je démissionne. Mais c’est tellement bon de se laisser couler. Ca ne demande pas d’effort et puis après, ça roule tout seul (bouh le vilain jeu de mot).

– merci à Ciccio d’avoir mis des mots sur mes idées, ça m’a aidée à développer –

A gauche, je retrouve ma position favorite de Wonder Woman. On m’a toujours surnommée comme ça, depuis l’adolescence, car je suis, enfin, j’étais souvent debout, les jambes écartées, les poings sur les hanches, à demander « on fait quoi maintenant ? », débordante d’énergie et d’envie(s). Mais mon regard me fait froid dans le dos. Il y a comme une terreur au fond. Comme si me retrouver dans cette position était encore une fois me demander d’enrôler la peau d’une autre. C’est très confus, je l’admets, mais c’est ma sensation.

Je ne me vois pas mince. Je suis grande (je mesure 1,70 m), je m’apparais plutôt comme musclée (ou c’est le costume qui fait ça – joke). J’ai l’air décidé mais voilà, il y a toujours cette petite lueur qui me gêne. En creusant un peu, je crois qu’à gauche, j’ai peur de l’avenir. Un peu comme si, en étant obèse, advienne que pourra, de toutes manières, on crève tous donc d’une maladie cardio-vasculaire ou d’autre chose, qu’importe ? Alors qu’en étant plus mince, après avoir fait tant d’efforts (oui, les efforts se lisent sur mon visage)…

La jeune femme à gauche est vive, ça se voit, mais toujours triste, malgré tout. Et puis, on voit bien qu’elle est quand même un peu gênée… elle n’a pas tout réglé et finalement, tout ça l’emballe moyen quand même. En plus, elle se retrouve là, sans rien avoir demandé, et paf ! tous les regards se braquent sur elle. Aaaah, le regard de l’autre. Le regard des autres. Il faudra bien qu’elle parle, cette jeune femme devenue mince, parce qu’on va la presser de questions. Les gens ont besoin de savoir. Par jalousie, par envie, par solidarité, par sollicitude, peu importe. Les gens ont besoin de savoir.

Mais elle, elle n’a pas envie de parler aux gens. Elle n’en a plus l’envie. Elle veut être tranquille, dans son coin, sans personne pour l’emmerder, parce que crotte, quoi, elle a encore tellement de choses à faire, à comprendre, avant qu’il ne soit trop tard ! Elle veut juste profiter de sa vie et des siens, sans se prendre la tête et surtout, sans avoir à gérer des curiosités mal venues.

Elle fait du sport parce que ça lui fait du bien (et plus du tout mal). Elle aime cuisiner, alors elle régale toute sa petite famille, ses amis, en s’améliorant un peu plus chaque jour. Elle aimerait réaliser son projet professionnel, mais elle a encore un peu peur. D’ailleurs, elle est perdue, elle ne sait pas trop comment s’y prendre, maintenant qu’elle a fait le plus gros travail sur elle-même.

Sur son épaule, son idéal continue ses sautillements, de manière plus discrète qu’il n’a pu le faire jusqu’alors. Son idéal de minceur, carriériste et mère de famille modèle. Son idéal qui est beau, tout propre, tantôt en tailleur, tantôt en bikini, qui lui fait envie autant qu’il la désespère, ne voulant absolument pas tomber dans ce stéréotype. Alors pourquoi en avoir fait un idéal ? Mystère…

Bilan… Evidemment, je serais une grande gagnante du côté gauche. Ca demande beaucoup de travail sur moi, mais je pense que je serais gagnante. Le côté droit de la balance ne me plait pas… la femme que j’y vois me fatigue. Je sais que je vais devoir apprendre à l’aimer pour la quitter et c’est un énorme challenge pour moi. Car je n’aime pas l’obésité, et c’est bien là tout ce que je vois. A méditer.

La grande révélation, c’est qu’une fois du côté gauche, je n’aurais plus aucun obstacle, plus aucune urgence pour régler mes derniers problèmes. Ceux qui sont là, tout au fond, qui me font me demander presque tous les soirs si je ne tourne pas psy, qui me font me questionner sur certains de mes actes passés, leur cherchant furieusement une raison d’être. Plus d’excuse, plus d’obstacle, rien que la vérité nue. Et ça, ça me terrorise… alors, est-ce que ça vaut vraiment le coup ?

Choisir entre une vie léthargique, anesthésiée par un comportement compulsif dans bien des domaines, qui se déroule comme un long fleuve tranquille… et une vie plus légère en kilos, mais plus… je ne trouve pas le mot exact, mais je sais qu’il existe. Ca donne une impression de nerf à vif, de sensation aigüe… de douleur sourde, aussi. Plus consciente ?

J’ai décidé de tenter l’aventure, mais vais-je résister ? Est-ce ce que je désire vraiment ?

Je crois que c’est la seule réponse aux 4 questions qui n’ait pas pris une ride. Je dirais même que l’introspection d’alors sur ce point-là a été bien plus nourrie que l’actuelle.

La seule chose qui n’est plus vraie, c’est ce regard sur moi, qui ne m’insupporte plus aujourd’hui, au contraire. Je me le disais en me regardant dans le miroir ce matin, j’aime me voir, j’aime me voir vivante, souriante, debout.

Je n’ai plus peur de ce que représente l’obésité à mes yeux. Je sais ce qu’elle exprime dans mon cas. Je sais aujourd’hui qu’elle n’est qu’un symptôme, pour reprendre les mots d’une wetwet… le chemin va être long, mais j’y suis engagée !

7 – 3°) Qu’est-ce que j’ai à gagner en atteignant mon poids idéal ? (Février 2021)

Pour cette question, la première réponse a fusé aussi vite qu’elle est douloureuse : la santé.

Du haut de mes 44 ans, je dois admettre que mon corps est un warrior. Mes analyses de sang sont impeccables, en dehors d’un dérèglement thyroïdien difficile à juguler depuis ma thyroïdectomie totale en 2008. Mon cœur semble tenir le coup (aux dernières nouvelles) et je ne fais pas d’hypertension. Pas d’apnée du sommeil, en dépit des épisodes de ronflement dont je peux agrémenter certaines nuits XD En bref, j’ai de la chance, qu’avec ces dizaines de kilos en trop depuis des années, ma santé ne soit pas plus mauvaise.

En revanche, je déplore tout de même des désagréments et des dégénérescences multiples qui me pourrissent la vie au quotidien. Une pathologie maculaire à l’issue incertaine, des becs de perroquet sur certains doigts, une arthrose aux genoux, chevilles, coudes et cou qui ne s’arrange ni avec les années, ni avec la surcharge pondérale, un estomac qui ne veut pas divorcer d’une gastrite chronique depuis qu’elle s’est installée entre 2012 et 2014, lorsque ma vie ressemblait à un champ de bataille sur lequel j’ai dû rendre les armes pour certains combats et réussi à signer des armistices pour d’autres.

Je sais que mon poids n’est pas responsable de tous mes maux, et j’ai souvent maugréé contre les médecins qui en faisait le père de tous mes problèmes. Cependant, je dois admettre aujourd’hui que l’obésité que je traîne est tout de même le déclencheur de certaines pathologies que j’ai déclarée dernièrement : la tendinite du tibial postérieur gauche que je ne parviens pas à guérir depuis septembre 2018, la gastrite qui fluctue en fonction de mes repas et de mon repos ou encore, les douleurs articulaires qui naviguent dans toutes les parties de mon corps.

La baisse de mon état inflammatoire influera sur tout ça, je le sais. Et sur le vieillissement prématuré de mon corps.

Les quelques années de vie en plus qui sont promises lorsque l’on évacue plusieurs dizaines de kilos me font aussi de l’œil, forcément. Je n’ai pas besoin qu’un algorithme m’apprenne mon âge métabolique, car je le ressens au plus profond de mon corps, cet âge qu’ont réellement mes jambes, mes organes internes et ma peau. Il doit se situer entre 65 et 75 ans, au bas mot. Je refuse de m’ôter volontairement des années de vie en acceptant plus longtemps ma situation d’obésité.

Retrouver une mobilité digne de ce nom, qui me permet d’organiser et de participer à toutes les activités dont j’ai envie sans me poser de question. Voyages, manèges, randonnées, balades touristiques, je veux pouvoir tout faire, sans avoir à me soucier de prendre crème, antidouleurs et chevillière avec moi.

Récupérer de l’énergie, ou plutôt, MON énergie. Celle qui m’a si longtemps qualifiée auprès des autres, qui m’a fait déplacer des montagnes et voir toujours plus loin. Celle qui me donne le moral plutôt que des baisses de forme aux idées noires. Donner toutes les chances à mon corps pour aller le plus loin possible.

Un objectif atteint, une case à cocher, une Odyssée réussie. Mon côté scolaire parle ici, et c’est aussi pour ça que WW me convient bien. J’aime achever des missions, aller au bout des choses, la satisfaction du travail accompli. Et s’il est bien fait, c’est encore mieux. Les étapes sont d’ailleurs là pour ça. La ritualisation de mon parcours me permet de cocher ces cases que j’ai besoin de voir « checker ». Et parvenir au bout de cette Odyssée, c’est aussi voir la lumière au bout du tunnel. Ne plus me faire de souci sur ce point-là, au moins. Un allègement mental et physique. Me focaliser sur ce qui en vaut vraiment la peine, car cet aspect de ma vie sera enfin derrière moi.

Faire ce que j’aime, sans prix à payer. Pouvoir danser, marcher et me filmer en train de chanter. Je ne marche plus depuis que la tendinite s’est réveillée à sa puissance maximale, en octobre dernier. Impossible de poser le pied sans hurler de douleur, et depuis, je suis suivie deux fois par semaine par un super kiné, je glace plusieurs fois par jour et je ménage au maximum ma monture en utilisant une béquille pour décharger un peu la cheville qui peine. Alors danser, ce que j’aime faire par-dessus tout pour faire du sport – ou partager un moment avec mon mari – c’est inimaginable aujourd’hui. Quant au dernier point… disons que si j’arrive à m’accepter dans le miroir ou sur les photos, me voir en mouvement, concentrée sur autre chose que le reflet que me renvoie la caméra, c’est carrément autre chose.

6 – 3°) Qu’est-ce que j’ai à gagner en atteignant mon poids idéal ? (Janvier 2013)

Tout !

Bon, ok, c’est facile… Disons qu’on a tendance, nous, les obèses, à penser que tous nos problèmes se seront envolés lorsque nous aurons atteint le poids idéal. Je sais que nous le pensons tous sincèrement comme je sais tout aussi bien qu’on se fourre le doigt dans l’oeil bien profond avec cette idée saugrenue. Oui, elle est saugrenue car certes, nous n’aurons plus ces maudits kilos qui nous cassent les pieds, mais devinez quoi ? Et bien tous les autres problèmes que l’on peut avoir, petits comme grands, seront mis en exergue d’un coup de baguette magique. Et ça, j’en suis convaincue. De là à dire qu’en atteignant mon poids idéal, je gagnerais en maturité… il n’y a qu’un pas.

Mais ce n’est pas aussi simple que ça. Car même si je pense qu’avoir ses kilos derrière soi est une porte ouverte à d’autres lamentations, je suis également certaine que ça peut être un mal pour un bien. Parce que les kilos, quand ils sont encore là, amènent leur lot de problèmes, eux aussi. Donc dans la balance…

Pèle mêle, comme ça me vient : j’ai à gagner en vitalité, en estime de moi, en plaisir de me glisser contre mon amoureux, en légèreté au sens propre comme au sens figuré, en regards emplis de fierté, en sourires de ma descendance, en années à vivre, en confiance en moi (oui, quand même), en facilité à me mouvoir, en envies diverses et variées…

Et une victoire.

Des créations, j’en ai de biens jolies à mon actif (mes enfants, mes activités successives, mes écrits, mes créas…). Des réussites, j’en ai également quelques unes (ma carrière professionnelle, ma séparation (oui, oui), mon couple, mon mariage, ma vie sous bien des aspects).

Il me manque une victoire, aujourd’hui. Triompher face à l’adversité. Ca parait pompeux comme ça, mais quand je regarde en arrière, je m’aperçois que je n’ai rien à assimiler à une victoire (sur la vie ou autre). Du coup, je me dis qu’une victoire, là, dans cette aventure, ben ce serait chouette…

D’ailleurs, ça m’inspire une sorte de puzzle à reconstruire, grâce aux différentes étapes que j’ai posées sur le papier. Un puzzle qui me permettrait d’assembler les pièces de ma victoire justement. Le projet doit continuer à germer, mais je vous en dis plus dès que ça se dessine plus nettement.

J’ai beaucoup de tendresse pour moi, quand je me relis. Cette confiance défaillante, cette estime branlante, elles ont été renforcées depuis. Ma séparation, en revanche, a pris une autre tournure, après des années de complicité post-couple. Ca m’attriste aujourd’hui, mais ainsi va la vie.

Je n’ai plus non plus cette inquiétude du « problème remplacé par un autre », car aujourd’hui, ce problème en règlera plein d’autres lorsque j’en serai venue à bout, et c’est déjà bien.

Je rebondis aussi sur ce mot, « victoire ». Où avais-je les yeux… où avais-je la tête ? Lorsque j’ai demandé à mon mari, puis à l’un de mes fils, ce qui leur semblait mystérieux me concernant, ils ont tous les deux répondu, et sans se concerter, la manière dont j’avais réussi à devenir la femme-la mère que je suis avec l’enfance que j’ai eue. La voilà, ma première victoire.

5 – 2°) Qu’est-ce que j’ai à perdre en maigrissant, en devenant mince ? (Février 2021)

Réfléchir à ce qui pourrait m’influencer inconsciemment à rester grosse m’a bien fait avancer sur le sujet. Des décisions ont été prises, et des actes concrets découleront sûrement des démarches que j’ai entreprises depuis.

A cette deuxième question, les réponses ont été moins longues à venir, mais elles me sont apparues de manière moins construite, plus comme des flashes, que je vais dérouler dans un second temps ici-même.

Me vider de ma substance.
Avoir la peau qui tombe.
Ne plus me reconnaître.
Qu’on ne me reconnaisse plus.
Un but dans la vie ?
Mon histoire.
Une représentation de ma souffrance.
Ma sécurité.
Ma moustache !
Mes seins.

A aucun moment, les problèmes de santé, les regards appuyés ou le stress de consulter un médecin ne m’ont effleuré l’esprit. Et pourtant, c’est clairement ce qui peut me peser au quotidien aujourd’hui, même si je travaille également sur ces aspects-là.

Me vider de ma substance… comme si je pouvais perdre ce qui me compose, mon intelligence, mon amour, ma sensibilité. Devenir quelqu’un d’autre. Epuiser mon énergie, mon inspiration, mon imagination.

Avoir la peau qui tombe… devenir un ballon de baudruche crevé, fripé, laid. Que ce ventre tablier qui est déjà le mien aujourd’hui ne devienne plus qu’un drap d’épiderme flasque et encombrant.

Ne plus me reconnaître… en dépit du regard objectif et conscient que je porte sur mon corps d’aujourd’hui, devoir réapprendre à me reconnaître dans un miroir, une vitrine de magasin ou encore, sur une photo. Tout réapprendre.

Que l’on ne me reconnaisse plus… croiser des gens et que leur regard me passe dessus, sans s’arrêter sur celle que je serais devenue. Et en même temps, en écrivant ces lignes, je me trouve bien présomptueuse à imaginer me délester de suffisamment de poids pour que ce genre de situation se produise.

Un but dans la vie… ce qui entre en résonnance d’un bon nombre de réflexions qui m’assaillent lorsque je parcours la blogosphère régimeuse ou Connect sur WW. Toutes ces vies ou ces grands pans de vie consacrés, concentrés sur un seul et même objectif : la perte de poids.

Mon histoire… mon poids me définit-il aujourd’hui ? Est-il le symptôme d’une enfance meurtrie, d’une adolescence dissolue et d’une vie d’adulte marquée par les épreuves ? Si j’abandonne les kilos qui se sont amassés au fil des compulsions, mécanisme de défense personnel contre les agressions extérieures, ne serait-ce pas un coup de gomme sur ce qui m’a forgée comme je suis ?

Une représentation de ma souffrance… le témoin visible de ce qui m’a heurtée, blessée profondément, de ce que je n’ai pas su gérer, ingurgiter autrement que par la nourriture. Le châtiment que je pouvais alors m’infliger, en plus d’une protection solide offerte à mon enfant intérieure.

Ma sécurité… devenir plus frêle, fragile, me défaire d’une carapace qui me permet de laisser pleurer celle qui en a besoin sans qu’on l’entendre. Me remettre sur le devant de la scène, rejoindre les normaux, attirants, séduisants.

Ma moustache… seul trait d’humour de la liste, qui reste une réalité, surtout depuis que j’ai appris que le combo obésité/ménopause était responsable de son accentuation ces derniers mois. D’origine latine, j’ai le poil foncé et dru, mais je ne complexais pas du tout sur le léger duvet qui m’accompagne depuis toujours au-dessus des lèvres. Aujourd’hui, c’est différent, ça (me) saute aux yeux, et me dérange. Adepte du naturel, je ne ferai rien de spécial sur le sujet en dehors de mon odyssée.

Mes seins… ces poches déjà bien malmenées par les grossesses, les allaitements et la prise de poids, qui vont fondre comme neige au soleil, alors qu’ils sont, avec mes yeux, l’un des atouts qui me plaisent particulièrement chez moi. Mincir, c’est aussi renoncer à l’une des rares choses de mon physique que j’apprécie vraiment.

En écrivant puis relisant l’ensemble, je m’aperçois que rien n’est insurmontable dans cette liste, sur le plan psy. Je peux tout travailler, ça prendra du temps pour certaines idées, mais tout est accessible, même le dernier point, soit par l’acceptation, soit par une solution chirurgicale.

Je me donne le temps de surmonter ces peurs, de trouver des réponses ou des pistes de réflexion pour éradiquer certaines craintes. J’ai confiance.

4 – 2°) Qu’est-ce que j’ai à perdre en maigrissant, en devenant mince ? (Janvier 2013)

Pas grand chose, je crois.

Mes kilos, remarquez, c’est déjà pas mal non ? Donc finalement, beaucoup !

Plus sérieusement… je ne sais pas vraiment.

Aussi incongru que ça puisse paraître, la première idée qui me vienne à l’esprit, c’est « de la chaleur humaine ». Au sens littéral, j’entends. Lorsque je m’imagine mince, je me vois frigorifiée (tiens, à explorer). Quand je m’imagine mince aussi, je me vois avec des traits plus durs (ça, c’est la faute de Sonia Dubois !), moins accessible du coup. Toujours au sens propre, des seins ! Mais bon, ce serait pour la bonne cause, donc je ne rechignerais pas…

Deux mots me sont venus en tête, « maman poule » puis « mamma ». Mais en creusant, je n’arrive pas à voir le rapport avec mes enfants, car j’aimerais réellement être une maman plus mince, pour mieux bouger avec eux et dynamiser nos sorties, plutôt que de tout le temps compter sur mon mari pour le faire. Peut-être un rapport subliminal avec les mères de ma famille, qui sont toutes plutôt dodues ? Aucune idée.

Qu’est-ce que j’ai à perdre en devenant mince ?

Je pourrai presque prendre mes réponses à la première question et les mettre en mode « négatif » (devenir mince ? mais je suis déjà mince -tant que je ne suis pas en face d’un miroir ou d’une photo- ! / ne plus appartenir à une « famille » de personnes / ne plus avoir de motif pour me lamenter, etc.)

Tiens, je ne pensais plus à cette idée de devenir plus « dure », moins accessible… ni au froid, et pourtant, j’y ai pensé pas plus tard que cette semaine.

Je ne suis plus en accord avec la notion maternelle, ici, même si je l’ai abordé sous la première question, donc bon XD

Et toujours cette image de moi faussée à l’époque, que j’ai – fort heureusement – réussi à travailler ces dernières années. Je pense que c’est une des clés du succès.

3 – 1°) Qu’est-ce que j’ai à gagner en étant grosse ? (Février 2021)

J’ai décidé de prendre le temps nécessaire pour répondre à cette question que j’ai tout de suite perçue comme essentielle lorsque je l’ai lue sur le blog de Camille. J’ai pris une semaine, et j’y ai beaucoup, beaucoup réfléchi.

J’ai aussi décidé de ne pas regarder mes réponses de 2013, pour ne pas m’influencer, pour sonder ce que j’ai au fond de moi, là, maintenant, et qui est peut-être (sûrement, même) différent d’alors. Je jette les idées, sans forcément toutes les approfondir, juste pour avoir de la matière à mes futures introspections et discussions sur le sujet.

La première image qui m’est venue en tête, c’est la sensation d’incarner la solidité, aujourd’hui.

C’est une drôle d’idée, parce que finalement, cette obésité que je traîne m’amène pas mal de fragilités, au contraire ! Mais en creusant un peu, et en faisant taire cette petite voix qui commençait à se moquer de moi, une autre image s’est imposée : un symbole de stabilité.

J’y vois plusieurs significations : la stabilité de la chose lourde et inébranlable, bien sûr, mais aussi le fait qu’aujourd’hui, je sais où je suis et connais ce qui m’entoure. Tout est familier, reconnu, presque sûr. Qu’en sera-t-il dans cette vie à venir où quand les kilos me quitteront, tout sera différent ?

En me relisant, je note deux choses : « quand » les kilos « me quitteront« .

Je n’aurais pas pu écrire plus belle dualité. Le « quand » prometteur et le « me quitteront » inquiet, celui qui crie la peur de perdre, de ne plus avoir, de manquer, d’être délestée de ce qui m’appartient, quelque part.

Un mot s’est rapidement imposé à moi ensuite : « paix« .

La paix de ne pas avoir d’efforts à fournir, que ce soit au niveau de l’introspection indispensable à cette odyssée, de l’estimation des quantités et calories ingurgitées, du sport les jours de flemme… Un certain confort de vie, dolce vita, en dépit des problèmes de santé qui ont tendance à se multiplier ces dernières années, en raison du temps qui passe et de la surcharge que mon corps doit gérer.

La notion de confort a induit presque immédiatement le fait d’être confortable pour l’autre, douillette, aimante, maternelle.

De manière aussi incongrue qu’attendue, j’ai pensé aussi au fait d’être visible, et quelque part, mémorable. Incongrue parce que ça vient en totale opposition avec le dernier point de mes réflexions sur la question. Etre grosse, c’est me faire remarquer, partout où je vais, même si je sais que je me faisais déjà remarquer avant de devenir obèse XD mon tempérament n’a pas évolué en fonction de mon poids. J’ai toujours été plutôt extravertie et sociable, et les kilos ne m’ont pas renfermée sur moi-même.

Me punir de ne pas avoir été celle qui faut. Et là, c’est quelque chose de très profondément ancré. Très. Ca remonte à des souvenirs d’enfance, et même à certains que l’on m’a rapportés, car j’étais trop petite pour me les rappeler moi-même. Mais c’est aussi une réalité plus actuelle, dans mon quotidien d’aujourd’hui, avec mon mari (que j’aime de tout mon cœur, mais qui m’en a fait voir de toutes les couleurs avec ses propres casseroles). C’est aussi en rapport avec celui qui a partagé ma vie pendant quinze ans et avec qui j’ai eu trois merveilles. Bref, je traîne ce mécanisme depuis longtemps… J’y reviendrai plus tard.

Devenir indésirable, repoussante. Cette réflexion est plus récente. Elle entre en résonnance avec des bribes de souvenirs qui remontent à la surface depuis que certains faits se sont produits, pour finir par replonger dans les méandres de mon esprit un peu torturé. Depuis quelque temps, ces bribes restent sur le devant de la scène. Je me demande si ce n’est pas depuis que j’en ai parlé avec mon mari, ou… peut-être que l’actualité de la société, avec ces révélations d’agressions sexuelles récurrentes, les maintient à portée de vue et de réflexion. Depuis quelques mois, je sais aussi que les confidences d’un homme qui a beaucoup compté dans ma vie et sans lequel, d’après ce que j’ai appris l’été dernier, celle-ci aurait été radicalement différente (et pas en bien) ont donné un nouvel élan à ces souvenirs qui refusent de revenir dans leur intégralité. Etrangement, c’est aussi depuis l’été dernier que je sais au plus profond de moi, intimement, que je dois faire quelque chose. Dans tous les sens du terme. Pour finir, me protéger. J’ai participé à un extraordinaire séminaire il y a quelques années, durant lequel j’ai été sondé mes peurs, mes freins, mes blessures et qui m’a permis de mettre en lumière le joyau que j’avais placé tout au fond de moi, avant de le recouvrir de multiples épaisseurs, encore et encore. Cette émeraude, brillante et pure, je la sens palpiter derrière cet énorme gouffre qui loge dans mes entrailles, brûlant plus fort et prenant toute la place, réclamant son dû, une nourriture qui réconforte, qui caresse les papilles, qui remplit, qui cale et tient en place, qui comble le vide, apaise le feu…

Et comme il y a 8 ans, j’ai demandé la vision de mon mari sur la question, qui m’est d’un grand soutien au quotidien, sur ce point comme tant d’autres : deux idées sont ressorties de sa réflexion. « Tu vois, je savais que ça ne pouvait pas réussir », une sorte d’auto-sabotage pour me donner raison sur mon incapacité à y parvenir, et la facilité de conserver un poids qui me permet de manger ce dont j’ai besoin, quand j’en ai besoin, sans avoir à me soucier de l’impact que ça pourrait avoir sur mes kilos.

2 – 1°) Qu’est-ce que j’ai à gagner en étant grosse ? (Janvier 2013)

Vaste question.

Aujourd’hui, je répondrais : rien.

Mon reflet dans le miroir me dégoûte, ma sueur et mon souffle perdu pour le moindre effort me révulse, mes pantalons-montgolfière qui flottent au vent lorsqu’ils sèchent me désespèrent. Je n’ai pas, personnellement, la sensation de « plus exister » avec mes kilos. Je suis de nature extravertie, pas vraiment farouche et ce, même avant d’avoir des kilos en trop.

Je tournerais donc la question autrement. Pourquoi devrais-je être mince ? Est-ce que je le mérite vraiment ?

Je pose cette question volontairement, car après ma lecture du livre de Geneen Roth, je me suis aperçue que régulièrement, je me fustigeais toute seule de l’état dans lequel je suis actuellement. J’ai aussi tendance à trop souvent en parler, donc je suis prudente. Trop peur de me cacher devant des tentatives d’autodestruction alors que les causes/raisons seraient ailleurs.

Je me rends compte également que c’est très compliqué de faire le point sur ses émotions, ses douleurs, son estime de soi, sans fausser les ressentis par des excuses que l’on trouverait raisonnables à nos yeux.

Oui, j’ai eu une enfance difficile, mais finalement, ne dis-je pas à qui veut l’entendre que cela m’a forgée, m’a construite telle que je suis, une personne solide et fragile à la fois, une amie fidèle, une interlocutrice franche et décidée, une maman attentionnée et ferme, une épouse aimante et sensible… une obèse qui ne peut résister à la chaleur d’une part de galette des rois, à la douceur de la crème d’un gland parfumé, à l’onctuosité d’un glaçage de mille-feuilles… pourquoi toutes ces satisfactions olfactives sont-elles si difficiles à annihiler ?

Je suis un peu perdue…

Alors à la question « Qu’est-ce que j’ai à gagner en étant grosse ?« , je répondrais, aujourd’hui :

A me faire plaisir gustativement quand je le souhaite, sans compter, sans culpabiliser, sans réfléchir. A avoir un soulagement buccal et psychologique immédiat lorsqu’une envie irrépressible de douceur survient. A être grosse, je peux manger ce que je veux, quand je veux, je ne suis pas à un kilo près.

Et puis, en allant un peu plus loin, je pourrais aussi répondre :

A avoir une bonne raison de me lamenter. Me cacher derrière mes kilos pour signifier au monde tout le mal-être qui est en moi. Si je n’ai plus de kilos, qu’est-ce qui n’ira plus dans ma vie ? Mon mari est formidable, mes enfants sont magnifiques, ma santé, alors que je ne ménage pas mon corps, est stable, mon boulot, quoique peu rémunérateur, fait ma joie quotidienne… qu’aurais-je de concret à avancer comme gros problème majeur, si je n’ai plus mes kilos qui me pourrissent mon quotidien et ma santé ?

Je continue à creuser :

Etre hors-norme, c’est appartenir à une catégorie de personnes que l’on peut plaindre, fustiger, discriminer… une catégorie de personnes qui fait réagir, qui pousse dans les retranchements, qui dégoûte, apitoie, révolte… Etre hors-norme, c’est susciter la réaction, être cataloguée, appartenir à une famille (les larmes montent à l’écriture de ces mots). Etre hors-norme, c’est être facilement identifiable dans un groupe, c’est représenter des sensations, des émotions, des ressentis que peu peuvent partager avec soi. Etre hors-norme, c’est avoir des secrets avec ses congénères, vivre des expériences que la majorité ne connaitra pas.

Etre grosse, c’est provoquer la mort (remontée de larmes). C’est jouer avec le feu, une roulette russe aussi douce que le sucre ingurgité, aussi suave que la graisse absorbée au quotidien.

Etre grosse, c’est avoir une bonne excuse de se sentir mal dans sa peau, de ne pas voir envie de faire l’amour, de ne pas vouloir aller à la plage, de ne pas participer aux soirées costumées…

Etre grosse, c’est aussi se cacher derrière ce statut, qui est un état de fait, blaguant sur le sujet, jouant sur la carte de l’humour provoquant en se tournant régulièrement en dérision.

Et puis, rester grosse, c’est éviter de faire des efforts inutiles, puisqu’on se retrouvera tous au même endroit, au final. Pourquoi se contraindre quand on sait que l’issue finale reste fatale, que l’on soit gros ou mince ? Pourquoi ne pas profiter de la vie, des mets et douceurs qu’elle nous propose, puisque de toutes façons, nous y passerons tous ?

Grosse ? Comment ça grosse ? Mis à part le reflet dans le miroir, certains regards appuyés et la difficulté de me mouvoir parfois, dans ma tête, je ne suis PAS grosse. C’est un problème d’ailleurs. Je me vois mince, alors pourquoi, comment maigrir ?

Peur du chemin à parcourir pour perdre du poids et des contrecoups psychologiques… voilà l’une des phrases écrites par mon mari lorsque je lui ai posé la question, me concernant. C’est vrai aussi.

Après avoir posté mes ressentis actuels, j’ai relu ceux que j’avais écrits en 2013. J’ai été attendrie par certains propos tenus à l’époque et ne me retrouve plus du tout dans beaucoup d’autres, ce que je trouve rassurant.

Mon reflet dans le miroir ne me dégoûte plus. Lorsque je me regarde (et je le fais tous les jours, je me prends même en photo régulièrement), j’ai de la tendresse pour ce corps qui en a bavé et tient encore debout. La pitié qui a pu s’inviter de temps à autre depuis 2013 a complètement disparu aujourd’hui. Je vois mon corps comme le compagnon d’une vie, dont j’ai envie de prendre soin et qui est le parfait reflet de mon histoire, de mon être intime : abîmé, mais toujours vaillant. Et plein de ressources !

Cette dimension d’autodestruction, de relation à la mort, n’existe plus. Me lamenter et me cacher derrière mes kilos non plus. L’appartenance à la grande famille des obèses encore moins. Cette idée me semble même folle aujourd’hui. Mais l’évolution la plus incroyable selon moi (même si celle du rapport au corps est déjà un énorme pas en avant), c’est la vision que j’ai de moi, de mon corps et de mes kilos. Aujourd’hui, je me sais grosse, autant dans le reflet que me renvoie le miroir que dans ma tête. Pas d’une manière punitive, juste un regard réaliste sur la situation, mes formes et le chemin que j’ai à parcourir.

1 – La conscience de son corps

Il y a 8 ans, j’écrivais ceci :

Il faut que je bouge tous les jours.

Je ne parle même pas d’objectif à tenir ou de poids à perdre. Non, je parle de cette poignante sensation, lorsque je me meus, de « rouler ». Quand je marche, aucun souci, mises à part les douleurs arthrosiques, mais quand je suis assise ou allongée, c’est une autre histoire. Pour la première fois, je ressens ces boudins qui flottent autour de moi. Des boudins de graisse bien compacte, qui donnent l’impression que je suis une knacki géante qui vient de sortir de l’eau bouillante.

Je me demandais à quel moment je réagirais, à quel moment je me dirais « stop », regarde ce que tu te fais subir. Et hier soir, c’est la première fois que je me suis fait pitié, réellement. Je ne sais pas si c’est dû aux reportages sur deux obèses que nous avons regardés avec mon mari (sans doute cela a-t-il accru mon ressenti), parce que finalement, ça fait plusieurs jours que je me sens « mal ». Un mal être différent des autres. Avant même de monter sur la balance. L’impression d’avoir franchi la ligne. Mais laquelle au juste ?

J’ai tellement de questionnements, tellement de réponses absentes, aucune certitude et pourtant beaucoup de signaux d’alarme qui me font réagir…

Enfin, je vous disais donc, le lundi, c’est juste dance. Plus précisément, ce lundi, car je vais me laisser une petite latitude pendant ce mois de janvier, comme une période d’observation. Ainsi, pas de programme bien défini de sport, je pratique ce qui me fait envie sur le moment, je note les détails de ma séance, et j’aviserai plus tard. Vous savez pourquoi ? Simplement parce que je suis la championne du « démarrage du lundi », du « renouveau de l’année », du « top départ maintenant on fait tout bien comme il faut et on se loupe sur rien : je bois 1,5 l. d’eau, je dors 8 heures, je mange équilibré et je fais 45 mn de sport quotidiennement ». Et au moindre obstacle, au moindre petit contretemps, je considère mes efforts anéantis et je lâche doucement l’affaire.

Dès l’échauffement, j’ai compris que j’avais beaucoup de chemin à parcourir pour retrouver ma forme d’il y a pourtant pas si longtemps. Mes bras étaient douloureux, ne supportaient pas de mouvements en l’air de plus d’une minute, bref, reprise en douceur mais moralement pas terrible.

Cette sensation dont je parlais à l’époque, je l’ai ressentie à nouveau fin 2020, dès le début du mois de décembre. Le déclencheur, comme à chaque fois.

Un déclencheur, qui met le feu aux poudres, mais ne garantit aucunement que la maison explosera bien, et les kilos à dézinguer avec.

Cette sensation d’extrême lourdeur, de fatigue, quand on s’extirpe d’un canapé. Ce roulis lorsque l’on essaie de marcher vite, ce boitillement parce qu’un genou peine à porter la structure.

Cette sensation de peser du plomb plutôt que de la chair, de la peau et des organes (et un peu d’eau, aussi). D’avoir soi et le monde entier à tracter dès que l’on bouge.

Cette sensation, lorsque je me déleste de mes premiers kilos, elle disparaît aussitôt, quel que soit mon poids de départ au moment de la prise de conscience. Serait-ce psychologique ? Pas seulement, je le sais bien, mais avec le recul, je pense qu’il y a un peu de ça quand même.

Le pouvoir du cerveau, bien plus étendu qu’on ne pourrait le croire… alors, la question à peut-être se poser après les quatre déjà en cours de gestation, ce serait de savoir ce que nous décidons de faire dudit pouvoir, face à cette obésité que l’on souhaite vaincre ?